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Le Blog de Jane Fenuanova.
7 décembre 2012

C'était il y a 26 ans, c'était hier...

Il y a 26 ans avait lieu une mobilisation étudiante historique depuis Mai 68.

Nous l'avions si bien compris que les pancartes fleurissaient dans les manifestations, portant quatre chiffres : 68/86.

Plus que de retrait d'un projet de réforme de l'université, point de départ du mouvement, nous rêvions, nous aussi de changer le monde comme nos parents avant nous.

Nous étions Trotskystes, Anars ou rien du toutistes, mais unis dans une immense fête étudiante depuis deux mois où nous apprenions les occupations d'Université, l'Autogestion , la confection d'immenses plats de riz ou de pâtes, les chansons de Thiéfaine, la marche à pied quotidienne et interminable dans Paris, l'amour pour certains et certaines et la confection de cocktails Molotov.

Nous avions 20 ans peu ou prou et nous vivions une fabuleuse expérience collective à la Sorbonne, à Jussieu, à Nanterre ou en province.

Nous apprenions les Assemblées Générales... et comment emporter les décisions en les faisant durer toute la nuit.

Nous apprenions la tactique, la dialectique et la Politique et je venais d'adhérer aux JCR.

Nos manifestations étaient jeunes, joyeuses, "insolentes et drôles" dirait Lavilliers.

Jusqu'au 6 décembre 1986.

J'étais dans le S.O de tête, relié par Talkie-Walkie à défaut de téléphone portables à l'équipe médicale et à différents points de la manifestation. Lorsque nous arrivâmes aux Invalides, devant les Grilles dressées pour nous interdire l'accès à l'assemblée, le chiffre incroyable tomba.

UN MILLION !

Nous étions un million dans la rue ! Et la queue piétinait toujours Place de la Sorbonne !
Nous étions une foule, une masse innombrable qui disait : NON !

Nous nous regardions à moitiés incrédules de notre réussite, le sourire aux lèvres, en tentant de résister et de contenir la poussée des manifestants, à moitiés ettouffés par les barrières qui se rapprochaient. Mais ce n'avais pas la moindre importance !

Jusqu'aux premiers tirs tendus de grenades lacrymogènes qui nous ettoufèrent et provoquèrent une colère que nous ne pouvions plus contenir et que nous partagions. Les informations sur le nombre de bléssés se succédaient. Un mec avait eu l'oeil crevé, un autre la main arrachée...

Le Service d'Ordre se disloqua, la fête devint émeute.

Des cars de CRS furent incendiés, des projectiles lancés, les Invalides portèrent bien leur nom tant le nombre de blessés continuaient d'augmenter.

Nous n'avions oubliés que deux noms, certains de notre victoire après une telle mobilisation : Pasqua-Pandraud. Le couple répréssif du gouvernement Chirac qui n'avait de réponse que ses CRS à notre joyeux bordel estudiantin.

"Repli général sur le quartier latin !"

J'ignore toujours qui a lançé le mot d'ordre, si même il a été lancé par quelqu'un : naturellement, comme les générations qui nous ont précédés, nous trouvions refuge "au" quartier, chez nous.

Place de la Sorbonne.

Un chantier voisin fournit aux quelques centaines -et non 50 comme le dirent les JT !- d'irréductibles qui continuèrent les affrontements en se repliant de quoi fabriquer une barricade, des voitures furent retournées, les échanges de grenades lacrymogènes contre cailloux et cocktails Molotov commencèrent.. Du classique, tant de fois connu avant nous et renouvelé depuis ..

Le cycle policier provocation / réaction/ répression qui sert à tout justifier.

"Ce n'était pas des étudiants mais des casseurs" avons-nous entendu sur les télés et les radios le lendemain... Nous avions pourtant l'impression d'être étudiants...

Puis un bruit de moteurs qui montait du bas du Boulevard Saint-Michel, les voltigeurs, la débandade générale.

Un mec me chopa par la main, et se mit à courir, je le suivis perdant une copine au passage mais l'heure était plus au sauve-qui-peut qu'à la drague dans le romantisme des barricades.

Nous fîmes des tours, des détours, primes des ruelles, des passages , des escaliers en courant :"Le quartier" était presque hermétiquement bouclé. Pas tout à fait cependant : nous arrivâmes à Denfert au Lion de Belfort. Plus de flics. Le Boulevad Arago, les grilles du Jardin des Plantes à escalader une première fois pour y entrer, une deuxième pour en sortir : nous étions à Jussieu. Sains et saufs.
D'autres y avaient trouvés refuge avant nous, la radio marchait à l'étage occuppé : il y avait un mort.

Malik Oussekine, un type qui n'était même pas manifestant et rentrait chez lui Rue Monsieur le Prince.

Tabassé par les flics parce qu'arabe.

Les détails n'arrivèrent que le lendemain : il était sous dialyse. La déclaration scandaleuse de Pasqua aussi : "si j'avais un fils sous dialyse, je le laisserait pas faire le con la nuit".

Le lendemain, le projet de Loi Devaquet était retiré, les voltigeurs dissous et la victoire amère.

Hier, la qurantaine avancée, nous avons pensé à une tombe au Père-Lachaise.

Nous n'oublions pas le cri de rage qui fut celui de nos milliers de bouche lors de la manifestation silencieuse qui le resta deux minutes le lendemain : "Malik est mort assassiné !".

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